vendredi 28 mars 2008

L’Inde plein les narines

Pour visiter l’Inde à Paris, quoi de mieux et de plus typique que le passage Brady ? Même si les restaurants y sont nombreux, mais c’est surtout dans les épiceries de cet îlot indien au cœur du 10è arrondissement que vous serez le plus dépaysés. Voyage au pays des parfums.

Dans une ambiance très calme, la matinée s’étire, presque mélancolique. La verrière qui couvre cette portion de rue révèle tous ses défauts à la lumière du jour. Les restaurants qui jalonnent le passage vantent leurs spécialités indiennes et pakistanaises. Ils ont sorti leur terrasse sur des tapis ou de fausses moquettes synthétiques et attendent les premiers clients. Des hommes très typés frottent les chaises et nettoient les cartes dans leur pupitre vitré. En avançant dans le passage, c’est la révélation. Brusquement évidente. Ce n’est pas tout à fait l’Inde. Il manque l’odeur de l’Inde. En effet à cette heure-là, pas d’effluves si particulières d’épices qui se frayant un chemin jusqu’aux narines pour les y chatouiller : les cuisines des restaurants n’ont pas encore allumé leurs fourneaux. Pas de bouquets de senteurs alléchantes qui titillent les narines et les papilles.
Pour retrouver ces odeurs, ces parfums, ces senteurs uniques, il faut pousser la porte des épiceries du passage. C’est là que l’Inde se révèle.

La première boutique, à côté des « Jardins de l’Inde », est toute petite. Dans une ambiance familiale, on découvre des étagères remplies de produits indiens en tout genre. Un sourire bienveillant accueille le client en cette fin de matinée. A la recherche du sachet d’épices qu’il convoite, du sac de riz Basmati ou Surinam vendu reconditionné sous vide.
En face, dans la plus grande épicerie, le sourire est moins chaleureux et une certaine lassitude se lit sur les visages. L’Europe est entrée ici. Les Parisiens d’origine française connaissent l’adresse et s’y pressent le week-end. Face à ce succès, l’Inde s’est adaptée. De petites étiquettes ornent les rayons regorgeant de produits exotiques, afin d’expliquer leurs vertus. Une attention louable, bien qu’éminemment commerciale. Cependant, la magie disparaît quelque peu à la lecture de ces textes en français. Pourtant le voyage et le dépaysement sont au rendez-vous. L’odeur de curry y est encore plus entêtante que dans l’épicerie de l’autre côté du passage. La musique est forte : une chanteuse à la voix nasillarde égrène ses notes typiques, celles que l’on entend dans les films de Bollywood.

Rayon épices. Sur l’étagère de gauche, voilà des dizaines de petits sachets aux tailles diverses, disposés de façon bien ordonnée. Destinés à la préparation de plats indiens , ces épices attirent irrésistiblement. L’odorat est en éveil. Les arômes s’échappent en remuant à peine le sachet. Les mains se baladent et courent derrière le regard. On touche, on tripote, on flaire, on hume : ici de la poudre de cardamome, de gingembre, de massala, de colombo… Là, des graines de lin, de cumin, de fenouil, des noix de muscade entières, des lentilles corail orangées… Un peu plus loin de l’anis étoilé, des feuilles de bétel bien brillantes en train d’être empaquetées... Le nez se tend et s’approche. Il frémit. Il est tout entier imprégné.
Au rayon des encens, Paris n’existe plus. Les amarres ont été larguées. L’Inde est là, dans les narines toutes émoustillées. Des contreforts de l’Himalaya aux plages du sud, en passant par les jardins fleuris et chargés de boutons de rose, les parfums enivrants et entêtants gagnent l’imaginaire.
Dans la vitrine, une étagère chargée d’éléphants en terre cuite et de statuettes de Vishnou et de Ganesh ajoute une touche de spiritualité au voyage.

Etrange, après tout cela, de sortir et de marcher. A une dizaine de pas seulement, une rue très commerçante, pleine de bruits, de cris et de voitures. L’ambiance n’est plus du tout la même. Un autre voyage peut commencer. Vers l’Europe orientale cette fois.

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